Une photo de mon grand-père en octobre 1917 dans les ruines d'Ostel (Aisne) |
Suite au post que je viens de faire sur le documentaire qui sera diffusé mercredi 29 juillet 2009 sur Arte , l'idée m'est venue de rendre hommage à mon grand-père , engagé volontaire en 14-18 .
Il rejoignit son régiment , le 109ème d'artillerie au départ de Poitiers le 16 décembre 1916 (il avait eu 18 ans en septembre 1916) .
Il rejoignit son régiment , le 109ème d'artillerie au départ de Poitiers le 16 décembre 1916 (il avait eu 18 ans en septembre 1916) .
Mon grand-père est mort en janvier 1986 , il avait 87 ans .Il avait été gazé le 23-10-1917 , et nous parlait souvent de "sa" guerre . Il était fier d'avoir défendu son pays , mais en même temps, il en voulait beaucoup à ses supérieurs , les officiers et sous-officiers ,dont il disait qu'ils n'avaient ni gratitude ,ni reconnaissance à l'égard des simples soldats qui combattaient en première ligne !
L’État français lui a remis la Médaille Militaire le 11 novembre 1982 , il était temps ! L'ingratitude a été bien longue , plus de 60 ans ...
Nous avons retrouvé ses notes dans son "Journal de route" , classées en chapitres ou par batailles ; je vais m'atteler à recopier chronologiquement les notes du journal de mon grand-père et les ferai paraître de temps en temps dans mon blog .
Pour lire ces notes et mieux les comprendre , il faut se replacer dans le contexte de la guerre et de l'époque .
Voici le début , avec en introduction son avant-propos :
-AVANT-PROPOS-
Voici quelques notes en souvenir de ma campagne de guerre .Je décrirai simplement ce que j'ai vu , ayant servi comme tous les autres soldats . Comme eux ,j'ai connu la fatigue ,la misère ,la pluie ,la boue ,le froid ,la faim ,le découragement ,les poux ,les cafards , mais aussi de grandes joies de voir l'ennemi reculer dans la défaite .
Mon unité ,malgré des actes héroïques ,n'a pas été récompensée comme il se devait ,à cause de l'ingratitude de ses chefs .Aucun Général n'est venu nous visiter .Nous étions "groupe d'attaque "non endivisionné . La seule devise que nous connaissions était : "MARCHER ou MOURIR ".
Seule récompense obtenue : citation à l'ordre de la 59ème division d'infanterie par le Général Vincendon .
Décembre 1916- mon grand-père Marcel Alibert
avec l'ancien uniforme ,au 109 ème d'Artillerie à Poitiers
-1ère Partie -
Engagé volontaire pour la durée de la guerre 14-18 ,je rejoignis mon corps ,le 109ème Régiment d'artillerie au départ de Poitiers le 16-12-1916 .
Je ne décrirai pas la vie de la caserne , qui s'est déroulée comme dans toutes les villes de garnison ,c'est à dire instruction, corvées ,punitions ,etc ..
Puis ,au bout de 6 mois de cette vie pénible , ce fut le discours d'usage du Colonel B. ,commandant le régiment ,qui nous fit ses adieux le 12 août 1917.
Nous étions une vingtaine à partir en renfort pour Verdun . Mes parents et ma soeur étaient venus de Paris pour me dire au revoir .
Et c'est à 5h du matin, au petit jour ,que je quittais Poitiers et les miens . Nous étions dans un wagon- compartiments dans l'express pour Tours .
Ce voyage s'est effectué sans incidents , nous sommes passés par Aubrais-Montargis -Sens-Troyes ,pour arriver le 13-08-1917 vers midi à Revigny par une chaleur torride . Nous étions chargés , "barda" au complet et musettes , bidon, etc ...Nous avons traversé la petite ville remplie de soldats de toutes armes et nous sommes présentés au bureau de la Compagnie qui nous prit en charge immédiatement .Nous fûmes emmenés de l'autre côté de Revigny , et après avoir traversé la ville , dirigés vers une grange où il y avait de la paille . Nous étions fatigués de notre voyage ,et nous nous sommes endormis enroulés dans notre couverture .
Cette première nuit fût un peu agitée , suite au survol d'un avion ennemi qui lâcha quelques bombes dans les environs.
Dès la tombée du jour ,nous apercevions le ciel illuminé à l'horizon,et l'on entendait un grondement sourd sans discontinuer : c'était le front de Verdun qui se trouvait à 50 kilomètres de Revigny .
Nos journées étaient employées en corvées diverses ,déchargement de caisses de grenades et d'obus en gare de Revigny , ce qui était un travail pénible et dangereux , et par une chaleur torride !
Le séjour fût de courte durée ,le 16 août vers midi , nous quittons Revigny ,et prenons un petit "tortillard" (chemin de fer à voie étroite) . Il traîne quelques wagons délabrés à vitres cassées ,remplis de soldats . Nous nous installons comme nous pouvons sur une plate forme d'un wagon et partons doucement au souffle d'une petite machine fatiguée .Nous roulons au ralenti et traversons quelques villages aux maisons en ruines .Les plaines sont mornes et la chaleur est intense ! Heureusement pour nous , le bidon de "pinard" est plein et nous pouvons nous "désaltérer", quoique le vin soit chaud !
Par moments , un avion ennemi nous survole ; nous nous arrêtons pour ne pas nous faire repérer . Nous voyons les éclats des obus autour de l'avion , de petits flocons blancs dans le ciel !
Le voyage en chemin de fer se poursuit ainsi jusqu'à 17h . Là , nous débarquons en gare de Souhesme et par la route ,prenons la direction de Dombasle-en-Argonne . De cette commune , nous voyons la fameuse route stratégique de Verdun où roulent en file ininterrompue les camions qui ravitaillent le front de Verdun .
voilà quelque chose que je voulais faire depuis longtemps: recopier le journal "au propre"! merci!
RépondreSupprimerDe rien , ça me fait plaisir , mais c'est long à recopier , d'autant plus que je fais un peu de déchiffrage parfois ; beaucoup de noms ne sont pas très bien écrits , et il faut que je vérifie à chaque fois ,merci internet . Mais c'est très intéressant ,même passionnant , et quelquefois , j'ai l'impression de vivre ce qu'il écrit ! C'est bizarre .
RépondreSupprimerCela prendra le temps qu'il faudra ,mais je recopierai tous ce qu'il a écrit ,je me le suis promis !
Et moi je lirai l'histoire jusqu'au dernier chapitre :) Vous avez pas un bidon de pinard de l'epoque?
RépondreSupprimerNon, pas de pinard de 14-18 en stock ! Mais sur le front on devait donner aux soldats de la piquette , c'est pour ça qu'il avait écrit "pinard". Mon grand-père était quelqu'un de drôle , il avait beaucoup d'humour et aimait bien rire !Il avait une âme d'anarchiste , mais il était aussi poète et surtout artiste peintre.Malheureusement , ses parents avaient contrarié sa vocation ,mais la peinture était restée son violon d'Ingres .J'ai quelques tableaux peints par lui chez moi, ils décorent les murs de mon salon .
RépondreSupprimerJe pense qu'il n'aurait jamais pu imaginer que son journal de route soit un jour lu par plusieurs dizaines de personnes grâce à internet , je suis heureuse de réaliser ce qui était peut-être un rêve pour lui . Il avait été interviewé par un étudiant (dans les années 1980 à l'occasion de sa remise de médaille militaire )et l'article avait paru dans le journal local , il en était très heureux .
Et merci de me lire , Steph et les autres , j'espère que ce ne sera pas trop rébarbatif à lire ! En tous cas , je prends plaisir à relire et à recopier les notes du journal de route , c'est un peu long parfois , car il faut que je recherche des mots que je ne connais pas (des termes d'artillerie) ou des noms de villes pour être sûre de l'orthographe , c'est un travail de fourmi , mais ça me plaît beaucoup .
RépondreSupprimerLa 2ème partie est bien avancée sur Word (elle est beaucoup plus longue -9 pages- que la 1ère partie ) ,je pense que j'arriverai à la mettre sur le blog dans la semaine ou le weekend prochain au plus tard .
bonne idée de faire ça sur Word.. et penses à sauvegarder régulièrement et mettre ça sur ton disque dur externe! Ce serait bête de tout perdre.
RépondreSupprimerJe me souviens, j'avais commencé à lire. C'est un peu rude au début de tout déchiffrer mais à force, on s'y fait. :)
De l'Aisne : courage ! surtout ne lachez pas, vous transcrivez, nous lisons et votre grand père sourit... ;)
RépondreSupprimerMerci,"Anonyme" de l'Aisne pour vos encouragements !
RépondreSupprimerBien sûr que je ne lacherai pas (sauf pendant mes vacances fin aout et début septembre) ,j'irai jusqu'au bout ( jusqu'à la démobilisation le 16-12-1919).C'est la mémoire d'un combattant que je m'efforce de transcrire sans lui ,en espérant que je ne déforme rien .
Et merci encore à tous ceux qui suivent ce journal ,de "me" lire !