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vendredi 5 août 2011

Tourisme d'autrefois-La route du Levant- n°3 :"Comme au temps des diligences"

L'article qui suit est le troisième de la série ;il a été écrit par mon père en 1988, et est paru dans le "Journal du Jura" du 21 décembre 1988.


Cliquez sur le lien suivant pour lire le précédent article (n°2) :
Voyage à Madrid (1950)- "De la capitale à Tolède"




Saragosse : Notre-Dame-del-Pilar ,symbole de la cité



La route du Levant :"Comme au temps des diligences"


Il y avait en 1951 , un curieux petit train -dit "train minier"- reliant Saint-Sébastien à Pampelune ,capitale de la Navarre .
Ce petit chemin de fer à voie étroite transportait du minerai mais aussi quelques voyageurs dans un wagon pompeusement appelé "wagon-salon". C'était en réalité une ancienne voiture de première classe aux banquettes disjointes et aux vitres plus ou moins étanches laissant passer la fumée et les escarbilles que crachait la cheminée d'une petite locomotive qui trainait ses wagons dans un paysage tourmenté où les tunnels succédaient aux rampes et les ponts aux viaducs .Le petit train dévalait les pentes dans un nuage de suie,à grands coups de sirène ,provoquant la panique sur les pâturages . A l'arrivée à Pampelune, les beaux costumes et les robes des passagers étaient striés de raies sombres que seul le teinturier parvenait à faire disparaître ...

Autobus à trois classes

Le voyageur qui ensuite , souhaitait se rendre à Saragosse , prenait un autobus antédiluvien comprenant trois classes: les "premières" ,à l'avant ,juste derrière le chauffeur, les "secondes" à l'arrière,et les "troisièmes", sur le toit où avaient été installées deux banquettes. On y accédait par une échelle métallique . Les soldats permissionnaires y grimpaient lestement et ,du haut de leur perchoir,  respiraient la poussière de la route jusqu'à leur village natal où,pendant deux ou trois jours,ils reprendraient des forces à la table familiale.
L'autobus,dit "coche de linéa" ,desservait tous les bourgs et villages traversés par la grande route dont le revêtement laissait bien souvent à désirer : les trous succédaient aux trous et , comme les amortisseurs du véhicule n'étaient plus qu'un souvenir ,les voyageurs assoupis se réveillaient brutalement en donnant de la tête contre le dossier du siège devant eux .Il y avait aussi le phénomène de "tôle ondulée",provoqué par un goudronnage de fortune .

Une étape

Après quelques heures d'un voyage pénible, l'arrivée à Saragosse ressemblait à celle d'une diligence au temps d'Isabelle II : voyageurs exténués aux vêtements froissés et poussiéreux, maugréant contre l'état des routes .

Baignée par l'Ebre ,Saragosse , avec ses rues étroites et sombres bordées de hautes maisons ,rappelait tout de suite au visiteur le terrible siège imposé par l'armée napoléonienne, où les habitants firent preuve d'un courage indomptable , forçant l'admiration des généraux de l'empereur .
Dans la basilique de Notre-Dame-del-Pilar ,symbole de la cité, de nombreux fidèles faisaient ,chaque jour ,brûler des centaines de cierges dont les flammes tremblantes illuminaient l'or des autels. A côté des ruelles aux façades noires ,on avait construit une nouvelle ville dont les larges avenues et les immeubles modernes faisaient un contraste saisissant avec ces bâtisses d'un autre âge .

Vertigineuse "micheline"

Saragosse n'était qu'une étape pour qui voulait atteindre le Levant , c'est -à-dire la région de Valence .Il fallait alors emprunter la voie ferrée qui , de l'Aragon ,menait aux rives de la Méditerranée . Une "micheline" assez rapide pour l'époque ,mais qui donnait le vertige , glissait tout d'abord sur des plateaux semi-désertiques avant de s'engager dans la montagne . Ensuite venait la descente vers le littoral ,sur une voie unique courant sous des tunnels et faisant mille courbes , tantôt gracieuses , tantôt serrées .
La "micheline" filait donc bon train. Peut-être allait-elle même un peu trop vite sur cette ligne quelque peu dangereuse ,car il y avait des dames qui se signaient à chaque soubresaut. En ce temps- là ,les Espagnoles devaient être intimidées par les moyens de transport , quel qu’ils fussent ,car bien des voyageuses se recommandaient au Ciel dès qu'un véhicule démarrait !
Et c'était avec soulagement que les passagers voyaient se profiler ,au loin,dans la plaine,les clochers et les tours de Valence .
Pourtant ces difficultés ferroviaires s'expliquaient aisément : la Renfe avait procédé aux réparations les plus urgentes, mais n'avait pu , compte tenu de l'isolement économique de l'Espagne pendant une douzaine d'années , remplacer le matériel détruit ou abimé pendant la guerre civile ,la moitié des wagons et des locomotives de son parc ayant été mises hors d'usage .
Jacques Alibert 





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