Kristjan Jaak Peterson Monument, Tartu, Estonia
Les drapeaux estoniens vont être une nouvelle fois sortis le 14 Mars pour célébrer la journée de la langue estonienne.
Parlée par environ 1,1 million de personnes, dont 950 000 vivant en Estonie, l’estonien est une langue de la branche fennique des langues finno-ougriennes. Ce groupe rassemble environ 40 langues parlées par plus de 20 millions de personnes dont les origines, il y a plusieurs milliers d’années, se situeraient dans le sud-est de l’Europe (autour des montagnes de l’Oural). Elle se rapproche du finnois et plus lointainement du hongrois.
Qui est Kristjan Jaak Peterson ?
La figure tragique de de Kristjan Jaak Peterson (1801–1822) , emporté par la tuberculose à l’âge de vingt et un ans, ouvre l’histoire de la poésie estonienne moderne.
Troisième enfant d’une nombreuse
famille, il naît le 14 mars 1801 à Riga, où son père, originaire
d’Estonie du sud, occupe la fonction de servant d’église. Il fait des
études brillantes au lycée de Riga (1815-1818), où il se nourrit de
littérature classique et cultive ses dons exceptionnels pour les
langues. En janvier 1819, il entre à l’université de Tartu pour y
étudier la théologie. Mais, insatisfait et peu désireux de se consacrer
au pastorat, il s’oriente bientôt vers la philologie et la philosophie.
Au printemps de 1820, il interrompt brusquement ses études, peut-être en
raison de difficultés financières, peut-être aussi parce que son esprit
indépendant et sa vaste intelligence se rebellent contre l’enseignement
académique. Il retourne habiter Riga, où il mène durant deux ans une
existence un peu bohème, vivant de leçons particulières et glissant
lentement sur la pente de la boisson et de la maladie. Il meurt le 4
août 1822, laissant derrière lui quelques manuscrits qui témoignent de
son génie précoce et singulier.
Son œuvre littéraire se réduit à peu
de choses : une vingtaine de poèmes en estonien, écrits pour la plupart
pendant ses années de lycée, un journal intellectuel, premier exemple
de prose philosophique estonienne, et trois poèmes en allemand, publiés
en 1823 dans une revue de Leipzig et redécouverts en 1961.
À un rationalisme hérité des
Lumières, ses poèmes allient un sentiment de la nature dans lequel on
perçoit l’influence de Klopstock et des pré-romantiques allemands. Dans
ses odes philosophiques, Peterson proclame la grandeur de Dieu, mais
surtout celle de l’esprit humain, créé à Son image et éternel comme Lui.
Il y célèbre avec optimisme la raison, l’amitié, la beauté féminine,
l’espoir, soulignant ses idées par des descriptions d’une nature
grandiose et majestueuse (vallées rocheuses, brumes, cascades…). À ces
images à la Caspar David Friedrich, caractéristiques de ses odes,
répondent, dans ses pastorales dialoguées, des évocations paisibles de
modestes paysages estoniens où chantent des bergers mélancoliques.
Romantique, Peterson l’est aussi par son attachement au “peuple des
campagnes” et à sa langue, qu’il exalte en des vers au ton prophétique.
Si ses pastorales sont écrites dans
un mètre régulier, inspiré par celui des chansons populaires
estoniennes, les vers de ses odes semblent n’obéir à aucune contrainte
métrique, de sorte que certains historiens de la littérature n’ont pas
hésité à les caractériser comme des “vers libres”. Voir en Kristjan Jaak
Peterson un adepte du vers libre, au sens actuel du terme, est
probablement excessif. Les faibles écarts de longueur entre ses vers
(jamais plus de deux ou trois syllabes) et la répétition fréquente de
certains schèmes accentuels contribuent en effet à créer, à l’écoute,
l’impression d’une certaine régularité rythmique, même si celle-ci ne se
laisse pas rigoureusement définir. Il n’en demeure pas moins que, dans
ses odes en estonien (langue encore largement “innocente” en tant que
véhicule de la poésie lettrée), Kristjan Jaak Peterson apparaît comme
l’un des premiers poètes européens à s’être émancipé des règles de la
versification (suivant en cela la voie ouverte par Klopstock avec ses
“rythmes libres”).
Par leur liberté formelle et leur
lyrisme, ces poèmes dépassaient de façon si radicale les écrits
didactiques qui tenaient lieu alors de “littérature” estonienne qu’ils
ne furent pas compris par ceux qui auraient pu les publier. Inconnu en
son temps comme poète, Peterson exerça toutefois une influence sur la
littérature ultérieure par l’intermédiaire de sa traduction allemande de
la Mythologia Fennica du Finlandais Christfried Ganander.
Estimant que la mythologie finnoise devait permettre de reconstituer la
mythologie estonienne, il ajouta en effet à l’ouvrage des
développements personnels sur les dieux des Anciens Estoniens, posant
ainsi les premières pierres d’une pseudo-mythologie que d’autres se
chargèrent ensuite de compléter et qui joua un rôle important dans le
développement de la culture estonienne (inspirant notamment Friedrich Reinhold Kreutzwald pour la rédaction de l’épopée nationale Kalevipoeg).
Oubliés dans les archives, ses
poèmes n’ont été découverts et publiés qu’au début de notre siècle grâce
aux écrivains néo-romantiques du groupe Noor-Eesti (“Jeune-Estonie”).
Ce sont eux (et en particulier leur chef de file, le poète Gustav Suits)
qui ont donné à Kristjan Jaak Peterson sa véritable place : celle d’un
“précurseur” de génie, qui pressent et annonce, dans l’indifférence
absolue de son époque, la naissance de la littérature estonienne.
Sources
http://en.wikipedia.org/wiki/Kristjan_Jaak_Peterson
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kristjan_Jaak_Peterson
http://www.estonie-tallinn.com/2011/03/14-mars-anniversaire-de-kristjan-jaak.html