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jeudi 30 mars 2023

LA FIN ET LE COMMENCEMENT ( LÕPP JA ALGUS) - Un poème de GUSTAV SUITS

 

Gustav Suits


Gustav SUITS  (Võnnu 30 novembre 1883 – Stockholm 23 mai 1956) est l'un des plus grands poètes estoniens .
Cofondateur du groupe Noor-Eesti et promoteur dans son pays d'un modernisme influencé par le symbolisme européen, il exprima avec vigueur l'enthousiasme révolutionnaire de sa génération (le Feu de la vie, 1905), cultiva ensuite un lyrisme plus sombre et mélancolique (le Pays des vents, 1913), puis refléta les événements de son époque dans des poèmes engagés de facture expressionniste (Tout n'est qu'un songe, 1922). Ayant choisi d'émigrer en 1944, il exhala dans ses derniers vers sa nostalgie d'exilé et l'amertume causée par le destin tragique de l'Estonie (le Feu et le vent, 1950).


LÕPP JA ALGUS

Kas tunnete : väriseb maa !
Kas kuulete : kisendab veri !
Nüüd tuleb kas ei või jaa !
Nüüd on kallastest tõusnud meri.
        Olge valmis !

Me seisame kahe riigi väraval :
see üks on pimedus ja teine valgus.
Me, noored, ootame pilgul säraval :
nüüd see ligineb : lõpp ja algus !
        Viimaks ometi !


LA FIN ET LE COMMENCEMENT

Le sentez-vous : la terre tremble !
Entendez-vous : le sang rugit !
Maintenant, c’est oui ou non !
La mer déjà couvre les côtes.
        Tenez-vous prêts !

Nous sommes là, aux portes de deux mondes :
l’un est l’obscurité et l’autre la lumière.
Jeunes gens aux yeux brillants, nous attendons :
et cela vient : la fin et le commencement !
         Il était temps !


Traduit de l’estonien par Antoine Chalvin



Sources
https://en.wikipedia.org/wiki/Gustav_Suits

http://www.litterature-estonienne.com/

vendredi 24 mars 2023

25 au 29 mars 1949 : déportations de masse dans les Pays Baltes



Il y a 74 ans, du 25 au 29 Mars 1949, plus de 90 000 personnes furent déportées des pays baltes vers la Sibérie. A Tallinn, des milliers de bougies illumineront la Place de la Liberté en souvenir des victimes.

Opération Priboi est le nom de code qui avait été donné a cette opération de déportation massive, organisée du 25 au 29 Mars 1949 par les Soviétiques et visant à déporter les Estoniens, Lituaniens et Lettons ‘ennemis du peuple’ vers la Sibérie principalement. On estime à plus de 90 000 les victimes des déportations de Mars : plus 20 000 Estoniens, 40 000 Letton et 25 000 Lituaniens. La déportation frappa des familles entières et toucha principalement des femmes et enfants de moins de 16 ans (44% de femmes, 29% d’enfants et 27% d’hommes).

 En Estonie, plus de 8 000 personnes parvinrent a s’échapper mais plus de 20 722 personnes (7 500 familles), soit 2,5% de la population, furent déportées. Rapportez ce pourcentage a la population française pour vous rendre compte de l'ampleur du crime, cela représenterait plus de 1 500 000 personnes !

Furent déportés aussi bien les invalides, que les femmes enceintes, les nouveaux-nés, les enfants... le plus jeune déporté avait a peine 1 jour (Virve Eliste de l’île de Hiiumaa, qui succomba une année plus tard en Sibérie), le plus vieux avait 95 ans (Maria Raagel). Neuf trains se dirigèrent vers Novosibirsk, six vers le Krai de Krasnoyarsk, deux vers Omsk et deux autres vers Irkutsk. La plupart d'entre eux ne reverront jamais leurs terres...


Le but majeur de l’opération était de faciliter la collectivisation forcée des campagnes en éliminant toute personne susceptible de supporter l’insurrection des ‘Frères de la Foret’ (Estonien: metsavennad, Letton: meža brāļi, Lituanien: miško broliai) contre l‘occupation soviétique.

La Russie actuelle n’a jamais reconnu ces déportations comme étant un crime et critique les Pays Baltes qui y chercheraient une revanche.

La triste ironie est que ces déportations perpétrées sous Staline furent vivement condamnées (après sa mort) dans un rapport de Nikita Khrouchtchev devant le 20e Congrès du parti communiste datant de 1956 et qualifiées ‘d’actes monstrueux’ et de ‘violations graves des principes léninistes de la politique nationale de l’Etat soviétique’. Plus tard, le 14 Novembre 1989, le Soviet Suprême de l’URSS acceptait une déclaration qui reconnaissait que ces actes étaient criminels et condamnait les déportations orchestrées par Staline tout en garantissant que de telles violations des droits de l'homme ne seraient pas répétées et en promettant de restaurer les droits des victimes. 


jeudi 9 mars 2023

14 mars en Estonie : anniversaire de Kristjan Jaak Peterson et Journée de la langue estonienne

 Kristjan Jaak Peterson Monument, Tartu, Estonia


Les drapeaux estoniens vont être une nouvelle fois sortis le 14 Mars pour célébrer la journée de la langue estonienne.

Parlée par environ 1,1 million de personnes, dont 950 000 vivant en Estonie, l’estonien est une langue de la branche fennique des langues finno-ougriennes. Ce groupe rassemble environ 40 langues parlées par plus de 20 millions de personnes dont les origines, il y a plusieurs milliers d’années, se situeraient dans le sud-est de l’Europe (autour des montagnes de l’Oural). Elle se rapproche du finnois et plus lointainement du hongrois.


Qui est Kristjan Jaak Peterson ? 


La figure tragique de de Kristjan Jaak Peterson (1801–1822) , emporté par la tuberculose à l’âge de vingt et un ans, ouvre l’histoire de la poésie estonienne moderne.
 Troisième enfant d’une nombreuse famille, il naît le 14 mars 1801 à Riga, où son père, originaire d’Estonie du sud, occupe la fonction de servant d’église. Il fait des études brillantes au lycée de Riga (1815-1818), où il se nourrit de littérature classique et cultive ses dons exceptionnels pour les langues. En janvier 1819, il entre à l’université de Tartu pour y étudier la théologie. Mais, insatisfait et peu désireux de se consacrer au pastorat, il s’oriente bientôt vers la philologie et la philosophie. Au printemps de 1820, il interrompt brusquement ses études, peut-être en raison de difficultés financières, peut-être aussi parce que son esprit indépendant et sa vaste intelligence se rebellent contre l’enseignement académique. Il retourne habiter Riga, où il mène durant deux ans une existence un peu bohème, vivant de leçons particulières et glissant lentement sur la pente de la boisson et de la maladie. Il meurt le 4 août 1822, laissant derrière lui quelques manuscrits qui témoignent de son génie précoce et singulier.
Son œuvre littéraire se réduit à peu de choses : une vingtaine de poèmes en estonien, écrits pour la plupart pendant ses années de lycée, un journal intellectuel, premier exemple de prose philosophique estonienne, et trois poèmes en allemand, publiés en 1823 dans une revue de Leipzig et redécouverts en 1961.
À un rationalisme hérité des Lumières, ses poèmes allient un sentiment de la nature dans lequel on perçoit l’influence de Klopstock et des pré-romantiques allemands. Dans ses odes philosophiques, Peterson proclame la grandeur de Dieu, mais surtout celle de l’esprit humain, créé à Son image et éternel comme Lui. Il y célèbre avec optimisme la raison, l’amitié, la beauté féminine, l’espoir, soulignant ses idées par des descriptions d’une nature grandiose et majestueuse (vallées rocheuses, brumes, cascades…). À ces images à la Caspar David Friedrich, caractéristiques de ses odes, répondent, dans ses pastorales dialoguées, des évocations paisibles de modestes paysages estoniens où chantent des bergers mélancoliques. Romantique, Peterson l’est aussi par son attachement au “peuple des campagnes” et à sa langue, qu’il exalte en des vers au ton prophétique.
Si ses pastorales sont écrites dans un mètre régulier, inspiré par celui des chansons populaires estoniennes, les vers de ses odes semblent n’obéir à aucune contrainte métrique, de sorte que certains historiens de la littérature n’ont pas hésité à les caractériser comme des “vers libres”. Voir en Kristjan Jaak Peterson un adepte du vers libre, au sens actuel du terme, est probablement excessif. Les faibles écarts de longueur entre ses vers (jamais plus de deux ou trois syllabes) et la répétition fréquente de certains schèmes accentuels contribuent en effet à créer, à l’écoute, l’impression d’une certaine régularité rythmique, même si celle-ci ne se laisse pas rigoureusement définir. Il n’en demeure pas moins que, dans ses odes en estonien (langue encore largement “innocente” en tant que véhicule de la poésie lettrée), Kristjan Jaak Peterson apparaît comme l’un des premiers poètes européens à s’être émancipé des règles de la versification (suivant en cela la voie ouverte par Klopstock avec ses “rythmes libres”).
Par leur liberté formelle et leur lyrisme, ces poèmes dépassaient de façon si radicale les écrits didactiques qui tenaient lieu alors de “littérature” estonienne qu’ils ne furent pas compris par ceux qui auraient pu les publier. Inconnu en son temps comme poète, Peterson exerça toutefois une influence sur la littérature ultérieure par l’intermédiaire de sa traduction allemande de la Mythologia Fennica du Finlandais Christfried Ganander. Estimant que la mythologie finnoise devait permettre de reconstituer la mythologie estonienne, il ajouta en effet à l’ouvrage des développements personnels sur les dieux des Anciens Estoniens, posant ainsi les premières pierres d’une pseudo-mythologie que d’autres se chargèrent ensuite de compléter et qui joua un rôle important dans le développement de la culture estonienne (inspirant notamment Friedrich Reinhold Kreutzwald pour la rédaction de l’épopée nationale Kalevipoeg).
Oubliés dans les archives, ses poèmes n’ont été découverts et publiés qu’au début de notre siècle grâce aux écrivains néo-romantiques du groupe Noor-Eesti (“Jeune-Estonie”). Ce sont eux (et en particulier leur chef de file, le poète Gustav Suits) qui ont donné à Kristjan Jaak Peterson sa véritable place : celle d’un “précurseur” de génie, qui pressent et annonce, dans l’indifférence absolue de son époque, la naissance de la littérature estonienne.



 


Sources
http://en.wikipedia.org/wiki/Kristjan_Jaak_Peterson
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kristjan_Jaak_Peterson
http://www.estonie-tallinn.com/2011/03/14-mars-anniversaire-de-kristjan-jaak.html