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lundi 10 août 2009

Mikhaïl Gorbatchev - Helmut Kohl: une amitié à la portée historique



Si la chute du Mur de Berlin s’explique avant tout par la situation géopolitique de la fin des années 1980, l’amitié entre Mikhaïl Gorbatchev et Helmut Kohl aura également joué un rôle déterminant.







Parmi les nombreuses lettres de vœux qu’Helmut Kohl reçoit le 25 décembre 1991, l’une d’entre elles le marquera à tout jamais. Comme il le confiera plus tard dans ses mémoires, cette missive du dernier chef de l’Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev l’a ému aux larmes : « Cher Helmut ! Je quitte la présidence de l’URSS. Les événements ont pris une autre tournure que celle que j’aurais souhaitée. » Helmut Kohl tient entre ses mains la lettre de démission du dernier responsable de l’Union soviétique. Si le chancelier perd un compagnon de route politique exceptionnel, il n’en conserve pas moins un fidèle ami.

Le grand fossé
Helmut Kohl et Mikhaïl Gorbatchev sont liés par une amitié à la portée historique. En effet, le chancelier allemand, originaire du Palatinat, et le responsable de l’URSS, né dans le Caucase, vivront ensemble la fin de la guerre froide, la chute du Mur et la levée du rideau de fer. Indissociable de la réunification des deux Allemagnes, cette amitié est si forte qu’elle poussera même Mikhaïl Gorbatchev à recommander Helmut Kohl pour le prix Nobel de la paix en 2007. Mais qui aurait cru que ces deux hommes d’Etat, qui ont grandi dans des sociétés aux valeurs diamétralement opposées, tisseraient un jour des liens aussi étroits ?
En 1986, Mikhaïl Gorbatchev, au poste de premier secrétaire du Parti communiste de l’Union soviétique depuis un an, fait face à des problèmes économiques et sociaux majeurs. Il prône un changement de cap historique et politique radical en instaurant transparence (glasnost) et réformes (perestroïka). Au départ, Helmut Kohl voit en ce nouveau secrétaire général moins un réformateur qu’un leader communiste moderne, comme il le confiera au magazine américain Newsweek à l’automne 1986 : « Je ne suis pas dupe : Gorbatchev n’est pas libéral ». Et le Chancelier allemand d’enfoncer le clou en ajoutant que sa maîtrise de la communication « n’a rien à envier à celle de Goebbels ». A l’époque, Kohl est encore un anti-communiste convaincu, dans la droite ligne de Konrad Adenauer. Et un partisan de la guerre froide : l’interview est publiée pendant les négociations entre les USA et l’URSS sur la réduction de leur arsenal militaire – un processus que les conservateurs ouest-allemands observent avec défiance : ce sont bien eux qui sont en première ligne face aux forces du Pacte de Varsovie.

Naissance d’une amitié
Cette comparaison avec Goebbels jette un froid sur les relations entre la RFA et l’URSS. Le Kremlin annule des rencontres à l’échelon ministériel et, jusqu’en 1987, Helmut Kohl refuse toute excuse publique. La première rencontre entre Mikhaïl Gorbatchev et Helmut Kohl est encore repoussée quand Bonn s’oppose en 1987 au retrait des missiles balistiques américains stationnés sur son territoire, éveillant de nouveau la défiance des autorités soviétiques. Dans un premier temps, le chancelier allemand reste incisif sur le plan rhétorique et, à l’automne 1988, décline une invitation à Moscou au motif qu’il ne se déplace pas sur commande. Mais il finit par céder, et la première rencontre entre Helmut Kohl et Mikhaïl Gorbatchev en octobre 1988 marque le début d’une nouvelle ère dans les relations entre les deux dirigeants et les deux Etats. Dans une interview donnée à l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel », Gorbatchev affirme ne pas être rancunier : le parallèle avec Goebbels n’est pas oublié, mais il est pardonné. Lors d’un concert de l’orchestre philharmonique de Munich au Kremlin, les deux chefs d’Etats et leurs épouses font plus ample connaissance. L’atmosphère devient amicale, les rapports plus personnels. Mikhaïl Gorbatchev se souvient : « Ce fut en effet une formidable soirée au cours de laquelle nous avons essentiellement évoqué des questions et problèmes d’ordre général ». Et Helmut Kohl de contribuer à détendre l’atmosphère en affirmant, à l’instar du premier secrétaire russe, vouloir ouvrir un nouveau chapitre dans les relations germano-soviétiques. Le chancelier ajoute même s’être rendu à Moscou en tant que simple citoyen. Il souligne le destin commun de deux hommes nés pendant la guerre, établissant ainsi une relation de confiance. « Son approche m’a impressionné », confiera plus tard Mikhaïl Gorbatchev.

Tout est bien qui finit bien
La visite d’Helmut Kohl à Moscou jette les bases d’une amitié que les événements de 1989 viendront renforcer et sur laquelle s’appuiera la réunification allemande. Lorsqu’il se rend à Bonn en juin, le chef de l’URSS est accueilli par une foule en liesse qui scande son nom : « Gorbi ! ». Les Allemands voient en lui un pacifiste – certains passent même la nuit dans des tentes pour être aux premières loges. « Des images inoubliables » pour Mikhaïl Gorbatchev qui s’entretient avec son homologue allemand pendant plusieurs heures « en parfaite intelligence, sur le plan politique comme sur le plan humain ». Kohl se souvient : « Lorsque les Gorbatchev ont quitté la résidence, nous nous sommes embrassés chaleureusement. Pour moi, cette soirée fut un moment clé. »
Le 13 juin 1989, le chancelier et le premier secrétaire soviétique signent une déclaration commune sur les rapports entre la RFA et l’URSS, reconnaissant entre autres le droit de chaque Etat à choisir librement son système politique et social – un principe que le Kremlin respectera lors de la chute du Mur en novembre 1989. Trente-six ans après la répression sanglante de l’insurrection ouvrière à Berlin-Est par les chars soviétiques, le rapport de confiance entre ces deux chefs d’Etat permettra que cette révolution se déroule de manière pacifique.

EIKE FRENZEL
Source : http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/La-Chute-du-Mur/2589844.html

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