Translate

samedi 19 septembre 2009

Journal de route d'un combattant de la guerre 14-18 : n°7 ,le front de St Quentin






 7ème partie :"le front de Saint Quentin "


Le 5 décembre 1917 , nous quittons notre cantonnement de Hartennes-Taux et passons par Soissons, où nous couchons dans la cathédrale St Jean des Vignes ,qui est en ruines .Nous continuons notre "randonnée" par Berny-Rivière ,Noyon-Matigny et arrivons dans les bois d' Holnon, où nous mettons nos pièces en position de tir. L'ennemi a l'intention d'attaquer ce secteur et nous "l'arrosons" d'une quantité industrielle d'obus .Mais l'ennemi ne réagit pas ,car il voudrait s'emparer de Cambrai. C'est pourquoi ,nous changeons de position et allons nous installer au "Grand-Seraucourt ,où nos tirs seront plus efficaces . Nous y restons du 13 au 27 décembre 1917 ,et revenons ensuite à Guiscard , Carlepont, Ressons le long . La neige tombe ,épaisse ,nous ne voyons pas à 20 mètres ,et sommes arrivés près de Saint Quentin.
Nous "arrosons" l'ennemi de notre mieux avec nos obus chargés de cheddites (explosifs) ,et d'air liquide. Nous tirons sur St Quentin,et les veilleurs allemands de la Tour de St Martin doivent redescendre de cette tour par le chemin le plus rapide ! Nos positions de pièces sont installées alors près de la voie de chemin de fer de St Quentin-Paris ,c'est pourquoi il faut nous rendre en 1ère ligne et passer de longues heures à observer nos tirs avec des périscopes. Les Allemands nous tirent dessus car ils nous ont vus ,et il y a de la "casse" parmi les blessés.
Il fait un froid terrible ,les renards viennent jusqu'à nos cagnats (la cagnat est une tranchée couverte qui abritait les poilus ), et chaque matin, il me faut porter un pli au commandement qui se trouve dans un village à 5 kms de nos positions . Pour cela , je dois partir à 4h du matin pour revenir au petit jour vers 7h1/2 afin de ne pas être vu des Allemands .Souvent ,je tombe dans un trou d'obus recouvert de neige ou de glace , je suis trempé et j'ai froid .Les fusées éclairantes illuminent ce "décor" de neige et il me faut mettre des repères pour trouver mon chemin.

Le 27 décembre 1917 , nous changeons de secteur et repassons à Soissons le 31 décembre .C'est le jour de l'an . Je le passe péniblement ,je suis de garde dans la neige au pied des canons et des caissons , il fait -20°,avec 20 cm de neige .
Épuisés de fatigue ,nous repartons par étapes au Grand Rozoy (Aisne). Nous faisons halte en pleine campagne , nous nous retrouvons le long de grands murs de ferme en ruines ,nous couchons à même la neige , allumons de vieilles planches et faisons du feu . Cela ressemble à la campagne de Russie. Nos effets sont raides , gelés, nos souliers sont ouverts en deux ,éclatés par le gel .Nous les réparons en enroulant autour de chaque soulier du fil téléphonique , c'est la grande misère . Notre barbe , nos cheveux sont gelés , des glaçons pendent de notre nez .
Les chevaux ont le poil glacé ,nous sommes couverts de givre . Lorsque nous passons devant un hôpital de l'arrière ,les blessés et les infirmières nous jettent des pièces de monnaie et des cigarettes ,tellement nous sommes en haillons et nos capotes recouvertes de boue gelée .
Les chevaux et les hommes dorment en marchant et notre camarade Masson s'est endormi et s'est effondré sur la route . Il n'en peut plus ,nous l'avons attaché avec une corde sur un caisson,et le froid l'a saisi !
Quelle misère !... et avec cela ,nous sommes couverts de poux !... qui nous dévorent le corps . Nous avons hâte de prendre un long repos et nous remettre en état .Nous nous dirigeons par étapes sur Fresnes- en -Tardenois (Aisne) où nous arrivons le 3 janvier 1918.
Nous y resterons jusqu'au 24 février 1918 . Avec mon ami de Duyenro ,nous logeons chez le curé du village,dans un lit pour 0,50F et nous sommes heureux chez ce vieux curé qui vit avec une vieille servante .Nous leur apportons chaque jour 2 gamelles de rata ( ragoût) ,ainsi que le vin et une boule de pain ,ils n'en sont pas fâchés , car le curé est bien pauvre ! Il ne faut pas croire que nous fumons la pipe toute la journée , car tous les jours ,il y a manœuvre du canon , exercices de tir , et marches d'entraînement de 35 et 50 kilomètres.

La prochaine fois , 8ème partie :" le Front, Bataille de l'Oise - offensive allemande du 21 mars au 05 avril 1918-



3 commentaires:

  1. Coucou! j'ai profité de la sieste de Andero pour lire la suite de la saga :) ca m'a donné froid dans le dos...brrrr. J'espere que les vacances etaient bien. A Tallinn, il fait vraiment un temps de chien :(

    RépondreSupprimer
  2. Coucou Steph,
    Contente d'avoir de tes nouvelles ,tu es de nouveau à Tallinn ! Eh oui, ce n'est pas le même temps là-bas ,nous avons des nouvelles du temps par la famille de Silja ..et maintenant par toi :)
    Ici , nous avons la chance d'avoir encore un temps superbe , je ne sais pas si ça va durer ,mais on en profite ..
    Les vacances étaient magnifiques avec Guillaume et Silja , comme des vacances avec ceux qu'on aime et qu'on ne voit pas souvent (tu connais ça ).Ils sont arrivés chez nous à Fondettes depuis mercredi , en attendant de trouver du travail , on ne sait pas encore où en France ?
    J'ai eu le temps de me remettre au n°7 du journal , j'ai commencé le n°8 (qui est un peu plus long ),il faudra peut-être encore attendre un peu ... Mais je promets de ne pas lâcher .
    Bon séjour à Tallinn malgré le mauvais temps , à bientôt sur nos blogs .

    RépondreSupprimer
  3. comme il le dit, on dirait la campagne de Russie...

    RépondreSupprimer