Translate

vendredi 5 août 2011

Tourisme d'autrefois: voyage à Madrid -n°2- "De la capitale à Tolède"

L'article qui suit ,écrit par mon père en 1988, est paru dans le "Journal du Jura" du 14 décembre 1988 .

Cliquez sur le lien suivant pour lire le précédent article (n°1) :
Voyage à Madrid (1950)- "Il faut donner du temps au temps"-




Tolède , l'Alcazar en haut à droite


Voyage à Madrid (n°2) : "De la capitale à Tolède"



Quand le "correo" arrive péniblement à Madrid, les voyageurs fourbus sortent de la gare du Nord et se dirigent vers les taxis .Ce sont ,pour la plupart ,des voitures d'avant la guerre civile .L'Espagne achète alors le moins possible à l'étranger et le propriétaire d'une automobile fait durer celle-ci jusqu'à l'extrême limite . Peu de véhicules dans les rues de la capitale,mais la foule envahit les trottoirs et les terrasses des cafés de la Gran Via ,rebaptisée Avenida de José Antonio. Le taxi longe la Puerta del Sol et s'arrête à deux pas de l'Opéra ,à proximité d'une pension de famille de la Calle del Arenal ,où l'on paie 40 pesetas par jour , chambre et repas compris .

Rompre la glace

La fille de la patronne passe sa journée à tapoter "Madrid! Madrid!" -un chotis (musique et danse originaires de Bohème) à la mode- sur un vieux piano désaccordé . L'immeuble est vieillot mais confortable,les pensionnaires sympathiques . Les repas sont maigres ,l'Espagne étant soumise au rationnement alimentaire :un quart de litre d'huile ,cent grammes de riz, cent grammes de pois chiches,un kilo de pommes de terre par adulte . Comme chaque mois ,les enfants ont droit à des rations plus substantielles, les familles se débrouillent grâce au marché noir, -le célèbre "estraperlo" - alors à son apogée .
A la pension , le petit déjeuner se compose d'une tasse de café "malté" et de deux galettes au goût amer . Aussi, quand l'étranger demande de l'eau chaude pour préparer son Nescafé ,suscite-t-il des regards envieux ,qui deviennent chaleureux quand,faisant le tour de la table , il dépose dans chaque tasse une petite cuillerée de poudre odorante . La glace est rompue .

La capitale se prélasse au soleil. Le matin,quand on se penche à la fenêtre des maisons voisines ,montent des airs de "zarzuelas", ces comédies musicales typiquement espagnoles dont le pays est friand depuis le 19è siècle .Madrid revit,et les seules traces de la guerre sont visibles aux alentours de la Cité universitaire et à la périphérie de la ville . Au coin des rues ,à longueur de journée ,le vendeur de billets de loterie psalmodie : "Para hoy!" (tirage aujourd'hui), le "cerillero" vend les cigarettes à l'unité aux terrasses des cafés ,et le "limpiabotas" fait briller pour une peseta ,le cuir des chaussures poussiéreuses . Dans les lieux publics ,des écriteaux préviennent les gens qu'il est interdit de blasphémer ...

A Tolède

Comme une visite à Tolède s'impose ,on prend le "corréo" d'Andalousie à la gare du Midi. Le train met une heure et demie pour parcourir les 70 kilomètres séparant Madrid de la ville du Gréco . Devant l'entrée de la station attendent les omnibus des hôtels : voitures d'un autre âge ,tirées par de magnifiques chevaux au poil bien lustré . L'un des équipages est remarquable par son postillon botté et coiffé d'un noir chapeau haut de forme . Les voyageurs gagnent les voitures qui lentement ,montent la rampe menant au centre de la vieille cité . Celle-ci n'a pas changé depuis des siècles avec ses rues étroites et ses petites places où pénètrent à peine les rayons d'un soleil brûlant .
Les ruines de l'Alcazar témoignent de l'âpreté des combats en 1936 ,mais Tolède reste immuable , ceinturée par le Tage aux eaux verdâtres ,au milieu des terres ocres inondées de lumière .L'imagination aidant ,le voyageur a l'impression de remonter le temps,quand ,sept siècles auparavant , Tolède était la capitale des Juifs d'Espagne ,ville active et savante où les diverses communautés vécurent en paix jusqu'à la fin du 15è siècle .
Sous les fenêtres de l'hôtel,les gens parlent ,rient et chantent. La nuit tombe lentement sur Tolède et je pense à un vieux marchand juif dont les ancêtres expulsés d'Espagne après 1942 ,se réfugièrent en Bosnie et continuèrent ,en famille ,à parler l'espagnol. Le vieux Juif de Sarajevo avait conservé précieusement une clef rouillée qu'il me montra en disant : "Regardez cette clef ! C'est celle de notre maison ,à Tolède !"
Jacques Alibert





Agrandir le plan

Pour ceux qui viennent visiter Madrid , un site à recommander : http://www.tsmadrid.com/

5 commentaires:

  1. Passionnants ces vieux articles qui nous replongent dans une Espagne que personnellement je n'ai pas connue !

    RépondreSupprimer
  2. tu les as retrouvés où ces articles de ton père?

    RépondreSupprimer
  3. Ta grand-mère les avait photocopiés et je les avais gardés depuis la mort de ton grand-père . Je les avais un peu oubliés ,puis retrouvés . J'ai décidé de les mettre sur mon blog ,ce sont des souvenirs communs à notre famille ,mais qui peuvent aussi intéresser des passionnés de l'Espagne , qui sait ?

    RépondreSupprimer
  4. Très bon article.. Je vous recommande pour tout ceux qui vienne à Madrid de viister le site web . www.tsmadrid.com
    Il est trop intéressant.

    RépondreSupprimer
  5. Merci Joselito pour le site "la mejor forma de conocer Madrid", je le garde dans mes favoris :)

    RépondreSupprimer