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samedi 6 août 2011

Théophraste Renaudot , "père" du journalisme moderne

A suivre , un article écrit en 1985 par mon père et publié dans le "Journal du Jura" (Bienne- Suisse ) le 16 septembre 1985 . 


La statue de Théophraste Renaudot dans sa ville natale , Loudun


Théophraste Renaudot : "avant tout au service des malheureux"


Rien ne prédisposait ce fils de riche famille protestante à devenir journaliste . Né en 1586 à Loudun, aux confins de l'Anjou, du Poitou et de la Touraine,il sera d'abord attiré par la médecine. Il ira donc étudier à la Faculté de Montpellier où il obtiendra le titre de Docteur. Désireux de compléter sa formation médicale ,il voudra s'inscrire à la Faculté de Paris ,mais le fait d'appartenir à la religion réformée lui en fermera les portes .Nullement découragé , Renaudot s'inscrira au collège parisien de Saint-Cosme pour perfectionner ses connaissances en anatomie .
Ses études achevées,il rentrera à Loudun ,alors place de sûreté protestante ,pour y exercer son art. Il y épousera en 1609 ,l'héritière d'une riche famille calviniste .
Renaudot mènera dès lors une paisible existence provinciale consacrée à la médecine et à des recherches sur les propriétés des simples ( en phytothérapie ,les plantes les plus courantes sont appelées "les simples") .En 1619 ,en collaboration avec un apothicaire loudunais, Jacques Boisse,il mettra au point un nouveau médicament , le Polychreston (premier médicament avec posologie et mode d'emploi ) ,qui contribuera à accroître sa renommée.
Bref ,Renaudot ,en sa bonne ville de Loudun,mènera une vie tranquille,recevant en sa maison les notables et les beaux esprits de la petite cité , sans jamais oublier la tâche qui lui tient à coeur : soulager la misère matérielle et morale des pauvres .

Privilège royal

On peut donc se demander pourquoi ce médecin réputé s'adonnera par la suite à une activité qui lui est étrangère : le journalisme !
C'est peut-être le hasard et la proximité des lieux qui lui feront ,dès l'année 1609 , rencontrer Richelieu ,qui vient se reposer au Prieuré de Coussay ,et le père Joseph, l' "éminence grise" du cardinal qui séjourne fréquemment à Fontevrault ,à quelques lieues de Loudun. C'est d'abord le souci d'améliorer le sort des pauvres gens qui rapprochera les trois hommes .
Nommé en 1612 "médecin ordinaire" du roi , Renaudot obtiendra la permission d'ouvrir des "bureaux d'adresses" où se rendront les chômeurs en quête d'un emploi et tous ceux qui sont dans le besoin. Mais ce n'est qu'en 1629 que Renaudot pourra profiter pleinement du privilège royal en s'installant à Paris ,rue de la Calandre .

Jusque là, rien que de très normal , l'ouverture des "bureaux d'adresses" étant la suite logique de l'activité humanitaire de Renaudot ,médecin et bienfaiteur des pauvres . Mais Richelieu et Louis XIII ont remarqué les qualités du praticien loudunais ,en qui ils ont placé leur confiance .Pourquoi ne pas aller plus loin? Pourquoi ne pas lui donner une autre mission, celle d' "éclairer" l'opinion publique ? En ces temps particulièrement troublés ,en dedans comme en dehors du royaume ,le roi et Richelieu sont conscients du fait que les Français ont besoin d'être informés et que cette information doit leur être dispensée d'en haut , c'est à dire de Paris .

La "Gazette

La création de la "Gazette" est donc décidée .Le premier numéro du journal paraît le 30 mai 1631. A vrai dire ,il existait déjà des feuilles à cette époque .
Beaucoup étaient étrangères ,imprimées dans les pays voisins .
La France elle-même possédait le "Mercure français" ,vendu en principe une fois l'an .
La nouveauté apportée par la "Gazette" de Renaudot , c'est sa bonne tenue et son excellente rédaction. Elle fournit un résumé mensuel des nouvelles .Le journal sera bientôt diffusé dans le pays tout entier . Son directeur le fera imprimer et vendre dans les provinces ,à Rennes comme à Grenoble , à Toulouse comme à Amiens .
Ainsi ,le succès de la "Gazette" sera assuré puisque les grandes villes du royaume ne seront plus dans l'attente d'information qui ,quelques années plus tôt , leur parvenaient très tardivement .
Dans une édition de Bordeaux de l'année 1639,le journal donne ,par exemple,des nouvelles concernant la Suisse . Elles sont datées de Zurich, du 23 novembre . En voici un extrait :
"Le Nonce qui est à Lucerne a naguère fait entendre en pleine assemblée dans la dite ville ,aux cantons de Svvitz (Schwyz), qu'ils aient à mettre en liberté ceux qu'ils détiennent pour s'être portés contre l'abbé de Hecmittet ou Encilde : sinon,que le pape usera de son autorité spirituelle contre eux ; sur quoi ils n'ont encore rien résolu. Dans cette même Assemblée , les Suisses ,sur les plaintes à eux faîtes par les Chefs et Soldats qu'ils ont dans l'armée du Marquis de Leganez, de ce qu'ils ne sont point payés, sont demeurés d'accord d'y députer,pour lui faire entendre leur dernière résolution ,qui est de rappeler leurs dits soldats ,si dans Noël prochain il ne les contente ."

La "Gazette" a aussi la particularité d'être "inspirée" . Renaudot suit les directives qui lui sont données .En fait ,ce résumé des nouvelles est une sorte d'éditorial où l'on insiste sur ce qui peut être utile à la France ,alors qu'il existe à ce moment-là, un risque réel de guerre fratricide à l'intérieur,et une menace permanente de l'Espagne à l'extérieur .

La "Gazette" n'a pas un fort tirage : environ 1200 exemplaires parisiens en 1638 ,mais sa popularité est grande puisque ,sous le titre de "Gazette de France" ,elle survivra jusqu'en 1915.
L'activité journalistique de Renaudot fut sans doute très importante  mais il devait la tenir pour secondaire, voué qu'il était au service des malheureux. Pourtant, il reste avant tout le créateur de la presse dite gouvernementale et ...de l'action psychologique ,avant la lettre .
Jacques Alibert - 16 septembre 1985




Pour visiter le Musée Renaudot à Loudun, cliquez ici





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